psychanalyse In situ


La psychanalyse dans tous ces états (généraux?)

catherine podguszer

 

 

Lors des assises des États Généraux de la Psychanalyse dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, ce qui pouvait laisser présager le meilleur, l'audience y était pourtant aussi élitiste que restreinte. Les places étaient chères et aucune dérogation n'avait été envisagée, même pour y assister une demi-journée ou pour les étudiants.

Dans ce grand amphi et malgré les indispensables écouteurs pour tenter d'y entendre quelque chose - même en français - la voix de la seule et unique traductrice soporifiait bien l'atmosphère en gommant toutes différences, tant sexuelle que culturelle, parmi les orateurs/psychanalystes … et chefs de files de surcroît.! On pouvait malgré cela entendre un discours sur la psychanalyse mais au détriment d'un discours de la psychanalyse.

Les interventions aux tribunes, ou synthèses désincarnées de plus de 250 textes parus sur l'Internet (seulement!) et répartis en 8 thèmes, se dégommaient cette fois d'elles-mêmes. Plus de contenu, plus d'auteurs … Non de noms!
Mais, immuablement dans le public, surgissaient ça et là quelques sempiternels "stars" - quoique non élus à parler publiquement par l'état Major - n'hésitant pas eux et elles, à se nommer
. L'un bondissant des bancs, tel un diablotin au bout d'un ressort, hors de sa boîte, pour (re)dire que le mot clinique n'est pas du tout approprié à la psychanalyse….et que nous sommes tous des cas…caca…(??) et j'en passe ! Si besoin en était on pouvait aussi acheter leurs photos et des vidéos dans le hall, au cas où.
Psy-show est toujours d'actualité et le narcissisme lui, se porte bien !

 

Après la journée organisée (en février 97) par René Major et quelques autres autour de la révélation faite dans son livre " Surtout n'en parlez à personne " par Héléna V. Besserman à Sainte-Anne, René Major a lancé un appel pour les Etats Généraux de la psychanalyse le 17 juin 1997 - en rappel au 17 juin 1789 bien sûr - nous faisant entrevoir que "rien, comme dans ce temps, ne serait plus comme avant" *
….Et pourtant ! Les Etats Généraux 2000 sont loin d'avoir bénéficié d'un aura de révolution, même si l'intention se devait de compter.

René Major d'ajouter : "[…]Le président de l'I.P.A., Horacio Etchegoyen, a pu avoir un dialogue avec Jacques-Alain Miller de l'Ecole de la Cause Freudienne et le fait que ce dialogue puisse être publié, est un signe du temps de ce qui ne pouvait pas se faire auparavant - quoique l'on pense du contenu de ce dialogue - et de ce qui ne pourrait pas non plus se faire en France actuellement." Il ajoute : " Il y a évidemment un très grand nombre de psychanalystes qui ne se retrouvent ni dans l'une ni dans l'autre. De ce point de vue la France est exemplaire dans la mesure ou il y a 15.000 psychanalystes environ dont près de 1000 sont liés à des sociétés affiliées à l 'I.P.A. et quelques centaines liées à l'Association Mondiale de Psychanalyse. Entre les deux il y en a un nombre majoritaire dans l'Inter-Associatif (groupe d'associations issues de l'Ecole Freudienne) et tous ceux, près de la moitié, qui n'appartiennent à aucune association et qui ont néanmoins reçu une sérieuse formation. C'est à l'ensemble de ceux qui participeront aux États Généraux qu'il appartiendra de déterminer s'ils s'en tiennent à l'état des lieux, aux bilans, aux propositions qui seront faites et à leur diffusion ou s'ils souhaitent poursuivre quelque chose au-delà de la tenue même des États Généraux ".*

Que devient donc la psychanalyse cent ans après si États généraux et états des lieux s'équivalent, décidément !?
Que reste-t-il de nos amours… et de la tendance subversive qui a fait de la découverte de la psychanalyse une révolution en soi ?

 

Seul un philosophe, Jacques Derrida, semble s'être un peu avancé à parler en terme de résistance du point aveugle des psychanalystes, de là où la cruauté et la souveraineté résistent en développant l'idée de l'inanalysé de la cruauté sans la question de l'altérité chez l'humain.(Voir le premier quart d'heure de sa conférence publiée dans Le Monde du 9/10 juillet 2000). J'ai retenu ces questionnements : "Y a-t-il une cruauté inhérente à la pulsion de pouvoir ou de maîtrise souveraine au delà ou en deçà des principes de plaisir ou de réalité ?" […] " Y a-t-il pour la pensée psychanalytique à venir, un autre au-delà qui se tienne au-delà de ces possibles que sont encore, et les principes de plaisir et de réalité, et les pulsions de mort ou de maîtrise souveraine qui semble s'exercer partout où la cruauté s'annonce ?[…]"

J'y entendais aussi une interrogation sur une forme de désinvestissement par les psychanalystes face à la réalité du monde. Derrida ne faisait-il pas aussi un peu allusion à ce qui se répète au sein des institutions analytiques et dans certaines cures (de cruauté?).

 

Malgré le vœu de René Major dans ce même interview: " Il existe un clivage dans la répartition des psychanalystes dans le monde selon leur appartenance à l'Association Psychanalytique Internationale ou à l'Association Mondiale de Psychanalyse. Je pense que cette bipartition est aussi amenée à être dépassée."

… Dépassé par la puissance tierce des EGP ? Refus de l'IPA et de L'AMP d'y participer ?

L'organisation de ce projet, devenu presque réalité en juillet dernier, a peut-être buté sur l'ambiguïté d'enjeux concomitants face à la réalité politique au sein du mouvement psychanalytique international et à celui du si vaste balayage de tous ces thèmes choisis. Le contenu ne pouvait que s'effacer au profit du contenant (?)
Les organisateurs de ces assises ont peut-être aussi trébuché sur le doux rêve d'être aussi les "historiens de l'avenir" de la psychanalyse….?
L'à-venir nous le dira.

Une absence regrettable pour le moins : aucun écho ni représentant du Groupe Bastille aux tribunes, pourtant l'unique Association de psychanalystes à avoir pris acte autant qu'agit en 1994, en relation avec la réalité du social et du politique d'aujourd'hui.

L'écart entre l'Appel lancé par R. Major pour les EGP et ce qui a effectivement eu lieu - dîner inclus chez Ledoyen (mais pas dans le prix !) - se mesure peut-être à ce que la Sorbonne n'était décidément pas la Bastille, comme le mentionnait Benoîte Michel Graziani au cours du Forum organisé par la Fédération des Ateliers de Psychanalyse, autour de ces États (trop?) généraux.

 

catherine podguszer,
paris, novembre 2000
catherine.podguszer@tiscali.fr

 

* voir l'interview à René Major (décembre 1997) pour le Journal "papier" de www.psychanalyse-in-situ.com/

 

 

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