Si la psychanalyse nous parle fondamentalement des fantasmes,
aurait-elle aussi quelque chose à nous apprendre des mythes?
De quoi parlent au fond ces récits
étranges? D'où proviennent-ils ? Comment se transmettent-ils?
Quelle nécessité
pousse ta communauté des hommes à en produire toujours
de nouveaux?
Quels processus président donc à leur production
?
Quelle signification faut-il leur reconnaître? À
lire les travaux des anthropologues, il
semble que ceux-ci témoignent d'un certain embarras pour
répondre à ces questions, dans l'ignorance qu'ils
sont des recherches entâmées par le père
de la psychanalyse et de ses découvertes. C'est en effet
Freud qui, s'intéressant au plus intime de l'être
humain, découvrira de manière inattendue la vérité
du mythe au coeur du fantasme : mythe et fantasme racontent l'un
et l'autre l'Inconscient. Et il faudra toute l'ardeur
de ses collaborateurs pour commencer à en dévoiler
les énigmes.
une entreprise dont la pertinence se verra confirmée et
approfondie par la fécondité des travaux des psychanalystes
contemporains, lesquels ouvrent sur la nécessaire reconnaissance
d'un ordre fantasmo-mythique confirmant que la science freudienne,
comme le voulait son auteur, est bien une anthropologie.
Freud, un enfant de l'humour ?
« Ma vie n'a d'intérêt que dans son rapport avec la psychanalyse » affirmait voix un siècle ce grand praticien et théoricien de l'humour que fut Freud. Aussi, de ce point de vue, ne peut-on que s'interroger sur la relative mésestime en laquelle il a tenu son livre Le mot d'esprit et sa relation à l'Inconscient, bien que cet ouvrage, écrit et paru en même temps que les Trois essais sur la théorie sexuelle, ait contribué à l'évidence aux fondements de la science nouvelle.
Pourquoi semblable dépréciation ? Comment comprendre une telle réserve de la part d'un défricheur familier de terrains autrement plus aventureux et osés ? Quels mystères recèle donc l'histoire juive pour que le maître, après s'être tu pendant vingt-deux ans, éprouve cependant la nécessité d'y revenir dans ce petit article tout autant énigmatique que constitue L'Humour ?
C'est que le livre de 1905 appartient aussi aux matériaux de l'auto-analyse et que, à travers le mot d'esprit juif, dans cet effort pour s'approprier son histoire, le fils Freud s'est trouvé ici directement confronté à l'énigme de son identité. Une identité inscrite dans la judéité qui, si elle renvoie bien entendu à Jacob, son vieux juif de père, ouvre plus sûrement encore sur sa belle et jeune mère Amalia conquise par son premier fils.
De fait, à côté des motifs < politiques » justifiant une telle retenue - éviter à la psychanalyse l'étiquette de « science juive » - il faut envisager l'existence de mobiles proprement « intimes >. En se livrant à l'analyse de cet humour juif qui le séduit tant et qu'il a hérité de son père, Freud découvre, caché derrière ce dernier, le personnage majestueux de la mère des premiers temps. Ainsi - et bien qu'il s'en défende - c'est à l'élaboration méta psychologique du lien à la mère des origines que Freud nous convie et nous conduit à travers L'Humour dont elle constitue indéniablement la matrice.
Jean-Pierre Kamieniak, psychanalyste, membre de Association internationale
d'Histoire de la psychanalyse, est maître de conférences
en psychologie clinique et chercheur au laboratoire de Psychologie
des régulations individuelles sociales de l'université
de Rouen.
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