
Être juif: s'en tenir, coûte
que coûte, au pur fait d'être juif. S'arrêter
à cette facticité, immédiatement révélante.
"Être juif", ce fut le titre d'un article décisif
d'Emmanuel Levinas en 1947; le programme d'une nouvelle pensée
après Rosenzweig ?pensée du Retour ? y était
esquissé. Dans cette trace, ce livre dialogue passionnément
avec Levinas. Il prend le parti de refuser toute conversion
philosophique. De la facticité seule s'explicite la pensée
du Retour.
Être juif: ne pas pouvoir fuir sa condition. Toute l'histoire
juive, irrémissiblement rivée à son début.
Le Juif comme "vie éternelle", selon le mot
de Franz Rosenzweig. Le juif comme nécessité d'existence
dans l'absolu.
Le Juif moderne a vécu cet être comme malédiction.
La pensée du Retour requiert une critique radicale de
la théologie ? l'a?théologie ? du juif moderne.
Théologie de la "mort de Dieu", du silence
de Dieu à Auschwitz, souffrance inutile ? tous ces thèmes
font l'objet de la critique. S'approcher de ce qui brûle
le juif moderne, sans athéisme.
Et comme le cœur de fa?théologie du juif moderne est
constitué par la doctrine du Mal absolu, il faut, contre
cette doctrine, revenir à la Tora d'Adam. Il n'y a pas
de nécessité du mal. Rejeter la théodicée
de Leibniz et de Hegel n'est pas adopter la doctrine dualiste
du Mal absolu. Être juif, ou l'innocence d'Adam. Autrement
dit, voilà la figure d'une universalité inouïe.