King kong théorie

Virginie Despentes

Grasset, octobre 2006

 

 

Il s'agit plutôt d'un manifeste, d'une proclamation, s'appuyant, certes, sur des travaux théoriques, féministes et historiques. Mais se fondant sur un récit biographique fait sans ménagement pour personne, crûment, avec ce qu'il faut de rage, de désir de vérité, de tendresse inattendue aussi. Et de style. On y parle de viol, de prostitution, de pornographie, et pas seulement de manière abstraite, avec des concepts, des convictions, mais avec la mémoire de ce qu'a vécu un corps... Il y a, dans ce King Kong théorie, des douleurs, des plaies, des bosses. Et, pourtant, c'est un vrai bol d'air, cette véhémente affirmation de liberté, ce cri d'une femme pour les femmes, pour les hommes, et pour les autre.

Josyane Savigneau - Le Monde du 6 octobre 2006

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Contrairement à ce qui est annoncé dans la quatrième de couverture, King Kong théorie, de Virginie Despentes, n'est pas, hélas, le manifeste pour un nouveau féminisme... Certes, Virginie Despentes fait dans ce petit livre une sorte d'apologie de la légalisation de la prostitution et de la libéralisation de la pornographie, ce qui n'est pas de nature à séduire le féminisme orientant, comme doctrine officielle, les politiques publiques d'aujourd'hui. Mais, outre que ces positions ont été déjà défendues à maintes reprises, même si elle prétend être la première à le faire en France, elles l'ont été d'une manière bien plus convaincante et argumentée. Son originalité consiste à les soutenir non pas à partir des principes de défense des libertés, de la neutralité éthique ou du pluralisme de l'Etat (comme l'auteur des présentes lignes, avec d'autres, l'a tenté), mais à partir du présupposé de la guerre des sexes comme horizon ultime de toute réflexion... Certes, vous serez peut-être horrifié par ces propositions. Mais Despentes n'exprime-t- elle pas, au fond, dans son style cow-boy, des hypothèses concernant les rapports entre les sexes qui hantent les problématisations courantes ? Ne nous dit-elle pas, en l'exagérant, ce que l'on croit être l'explication centrale de la domination des femmes, c'est-à-dire que la sexualité est le lieu de leur assujettissement par les mâles ? N'est-ce pas cette idée qui a animé, depuis le milieu des années 1970 jusqu'à nos jours, les luttes féministes contre les agressions sexuelles ?... Un espoir seulement : que grâce, au dévoilement des conséquences, on se débarrasse des présupposés et qu'on puisse enfin parler de ces questions sérieusement.

Marcela Iacub - Le Monde du 6 octobre 2006

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King Kong Théorie, avec sa violence karateka, n'est pas un roman, ni une autobiographie, ni un faux roman faussement autobiographique tel que la mode en accouche vingt par saison, dont le nombril locuteur serait le héros générique. KKT évoque plutôt un récit initiatique, juste une mise aux poings sur les plus rudes images de la vie de Virginie, vierge et putain ayant, dans la gémellité de ces deux états, empiriquement appris, puis théorisé, que la séduction «n'est un sport de haut niveau que dans très peu de cas»... A conclure que «le féminisme est une révolution, pas un réaménagement des consignes marketing, pas une vague promotion de la fellation ou de l'échangisme, il n'est pas seulement question d'améliorer les salaires d'appoint», Despentes s'est mise en situation de se faire haïr par les philosophes autant que par les psys, et par les dames patronnesses autant que par les chiennes de garde. Le bonheur, quoi...

Pierre Marcelle - Libération du 5 octobre 2006