Qu'est-ce qu'on vous veut, quand on vous dit : «Je t'aime»
La déclaration ne déclare guère ce qu' elle
déclare. Pas même si elle est de l'offre ou de la
demande. La magie de la formule ne tient pas à son sens,
mais à son élocution. Sans dire ce qu'elle requiert,
elle l'exige, tout simplement. « Je t'aime » est
une clé, un mot de passe. Qui exprime sa flamme se confère
des droits. L'amour a l'étrange vertu de légitimer
ce qui se trame en son nom. De l'ardeur à la caresse,
il n'a rien à justifier, du dépit à la violence,
non plus. Ce que vous veut qui vous aime est sans recours. L'amour
ne s'autorise que de lui même.
Et à quoi s'expose-t-on quand on aime ?
Au pire, évidemment ! De l'autre comme de soi.
L'amour invite à souffrir autant qu' à faire souffrir.
Il anoblit ce qu'on subit comme ce qu'on fait subir. L'amour
contente pour autant qu'il aveugle. Il pare de noblesse nos plus
grandes faiblesses. En son nom tout peut se faire. En son nom,
tout se fait.
Est-ce folie d' aimer ?