revue de presse
 


www.psychanalyse-in-situ.fr

 

 
Critique
Michel Foucault, sentinelle démocratique
LE MONDE DES LIVRES | 14.02.08 | 11h33  •  Mis à jour le 14.02.08 | 11h33

a référence à la philosophie critique de Kant, et à ce qui se jouait là de radicalement neuf, fut inlassable chez Michel Foucault. En témoigne la publication presque simultanée de deux textes : d'une part, l'Introduction à sa traduction de l'Anthropologie du point de vue pragmatique, élément principal de sa thèse complémentaire soutenue en 1961, dans sa version intégrale ; et d'autre part, Le Gouvernement de soi et des autres, transcription du cours donné au Collège de France en 1982-1983, et qui s'ouvre par un long commentaire du célèbre article de Kant : "Réponse à la question : qu'est-ce que les Lumières ?". [lire la suite]

 

l’Humanité des débats

Tribune libre - Article paru le 9 février 2008

Psychiatrie : le retour de l’asile ?

Entretien croisé avec Patrick Coupechoux, journaliste, et Franck Chaumon, psychiatre et psychanalyste (*).

Que pensez-vous du film Elle s’appelle Sabine, de Sandrine Bonnaire ?

Franck Chaumon. J’ai trouvé ce film extrêmement touchant. Son regard sur sa soeur telle qu’elle est aujourd’hui, malgré la douleur qu’il exprime, est très subtil et respectueux pour elle aussi bien que pour les autres résidents. Elle n’évite pas l’horreur de la situation et sait montrer en même temps la profonde humanité de ceux qui partagent sa vie à présent.

Patrick Coupechoux. Ce film est très émouvant. Le contraste entre la Sabine jeune, où elle est si belle, si humaine, et celle d’aujourd’hui, où elle est si diminuée, est terrible. Sandrine Bonnaire n’est pourtant ni dans le pathos ni dans la complaisance. Sa démarche implique une réflexion de ce qui s’est passé entre ces deux états.[lire la suite]
 

Chronique
La musique adoucit les moeurs, par Francis Marmande
LE MONDE | 06.02.08 | 13h15  •  Mis à jour le 06.02.08 | 13h15

 
Soit un livre d'historien, Holocauste ordinaire, de Pierre-Emmanuel Dauzat (Bayard). Livre d'historien sous-titré Histoires d'usurpation : extermination, littérature, théologie. Dauzat, un an après sa publication, analyse le best-seller de Jonathan Littell (Les Bienveillantes, prix Goncourt 2006). Dans Holocauste ordinaire, on ira droit au chapitre : "La musique adoucit les moeurs du bourreau et la mort des victimes."

Le bref chapitre sur le rôle de la musique dans le roman de Littell dit tout et pas tout à la fois. En cinq pages, implacable situation du roman, sans imprécation mais non sans vigueur. Dauzat lutte contre la fascination des morts qui commande le succès des Bienveillantes. Lequel débonde à tout-va la parole d'un supposé bourreau problématique. Le commentaire de Dauzat démonte "cet étouffe-chrétien romanesque sur le thème de la banalité de l'extermination des juifs". Démontage violent contre "ce qui se donne aujourd'hui comme révélation, la parole du bourreau".[lire la suite]

 

 
Critique
Théorie lacanienne de l'amour
LE MONDE DES LIVRES | 17.01.08 | 12h50

 
Délivré en 1970-1971, le séminaire de Jacques Lacan sur le semblant se présente comme la deuxième étape d'une interrogation amorcée par lui en 1958 sur les relations entre l'homme et la femme dans la société moderne. A travers une bonne transcription et l'ajout d'un index et d'un appareil critique, Jacques-Alain Miller s'est efforcé, pour la quatorzième livraison de ce séminaire au long cours - dont onze volumes sont encore à établir -, de simplifier avec bonheur le style de son beau-père.
On découvre ici un Lacan soucieux d'opposer le discours de l'inconscient - celui de la jouissance et de la répétition à l'état brut, inapte à toute forme de semblant - à un discours de la parade, de l'amour et donc du semblant, nécessaire à toute relation entre l'homme et la femme. Contrairement à une tradition paternalocentriste de la psychanalyse, Lacan, influencé ici par Jacques Derrida, tente de démontrer que dans l'amour et le sexe les deux partenaires ne sont en aucune manière complémentaires.[lire la suite]
 

CULTURE
Dimanche 13 janvier 2008
No - 16398

ESPRIT LIBRE
Le deuil ?

PAR MICHEL BEDU

Dans ses « Notes et contre-notes », Ionesco raconte cette anecdote : « Quelle est votre conception de la vie et de la mort ? » me demandait un journaliste sud-américain lorsque je descendais la passerelle du bateau avec mes valises à la main. Je posai mes valises, essuyai la sueur de mon front et le priai de m’accorder vingt ans pour réfléchir à la question… C’est bien ce que je me demande, lui dis-je, et j’écris pour me le demander. » Tout le monde n’a pas la clé de l’univers dans sa poche ou dans sa valise. » La clé de l’univers, personne ne l’a. C’est pourtant une manie de l’homme de demander à droite ou à gauche, en haut ou en bas, quelle est cette fameuse clé. On le renvoie à Dieu ou au Diable – ce qui ne l’avance pas beaucoup.

Pour tout un chacun, l’énigme de la mort s’est posée une fois ou l’autre. Le constat de l’absence. Ce qui fut n’est plus. Le deuil d’une présence, parfois inconcevable… L’essentiel de la philosophie antique consistait à préparer le cœur et la raison à cette irruption de l’Absence. Toutes les religions, chacune à leur manière, essaient de nous familiariser avec la mort, l’acceptation du deuil. Les cultures aussi donnent pour modèles les grands disparus : saints, martyrs, héros victimes des conflits, et leur rendent hommage. [lire la suite]
 

Courrier international - 12 nov. 2007
Article
PSYCHOLOGIE - Sigmund Freud m'a sauvée, Elena Zafra
Margarethe Lutz, une Viennoise de 89 ans, est la dernière patiente vivante de l'inventeur de la psychanalyse. Elle raconte au quotidien espagnol
El Mundo
comment le médecin à la barbe blanche a transformé sa vie. En une seule séance ­!
DE VIENNE
La jeune Margarethe Lutz passait ses soirées seule. Des soirées tantôt brumeuses et sombres, tantôt lumineuses et fleuries, mais toujours solitaires. Lorsqu'elle
regardait par la fenêtre de l'élégant et confortable appartement viennois, elle voyait passer les gens et rêvait. Mais elle vivait entièrement coupée des problèmes
économiques et politiques où était plongée la capitale autrichienne à la veille de la Deuxième Guerre mondiale.

Et pourtant, une seule séance avec le docteur Sigmund Freud allait la tirer de la mélancolie. A 89 ans, Margarethe est aujourd'hui la dernière patiente vivante du
père de la psychanalyse, et elle éprouve "une immense gratitude" pour l'auteur de L'Interprétation des rêves et ses conseils avisés.

Margarethe était alors une jeune fille obéissante, au tempérament rêveur. Elle n'aimait rien tant que de mettre en scène des pièces de théâtre ou un opéra dont elle
était à la fois la protagoniste et le public enthousiaste. Elle n'avait guère d'autre solution, car on lui interdisait les sorties et elle ne pouvait même pas fréquenter l'école
de danse comme le faisaient, et le font encore, les jeunes filles de bonne famille. Margarethe grandissait dans un milieu confiné, corseté par une morale extrêmement rigide. "
Je me sentais si seule que j'essayais de m'évader en faisant du théâtre", se rappelle-t-elle.

Ce jour de 1936, c'est Tristan et Yseult qui lui avait inspiré une mise en scène. Mais, ce jour-là, précisément, elle a fait preuve d'une certaine audace : elle s'est dit que
les passants, et les ouvriers qui travaillaient de l'autre côté de la rue, feraient un excellent public ; elle est donc allée jouer sa pièce dans la rue. Il a suffi de cette
excentricité pour qu'on la croie folle. Ses parents ont alors appelé le médecin de famille, lequel, n'ayant pu diagnostiquer chez la jeune fille un quelconque trouble
organique, a recommandé qu'elle consulte un docteur connu, spécialiste des cas "étranges".

Heureusement, la famille de Margarethe, à la tête d'une petite usine, vivait dans l'aisance et avait les moyens de faire appel aux services du prestigieux médecin.
C'est ainsi que la jeune fille s'est retrouvée assise dans le cabinet de Freud. "Il avait l'air d'un homme très âgé, avec son costume gris et sa barbe, mais il avait des
yeux bons et attentifs."

Son père, qui l'accompagnait, a répondu avec empressement aux questions de Freud, sans se rendre compte qu'elles étaient adressées à sa fille. A la demande du
psychanalyste, il a dû finalement se résoudre à quitter la salle. Lors de cette première et unique séance, la jeune fille a pu parler ouvertement de sa vie, de ses problèmes,
des interdits, de la solitude. "Il m'a dit que je devais oser donner mon avis. Il m'a beaucoup impressionnée, ç'a été fantastique", raconte Margarethe.

A partir de ce moment-là, la jeune fille a pu aller danser et faire du ski, et c'est dans ce milieu sportif qu'elle a rencontré celui qui allait devenir son mari. Comprenant ses
préoccupations juvéniles, Freud avait semé en elle la graine de la liberté. Une liberté qu'elle a réellement commencé à vivre après son mariage, quand elle a entamé des
études à l'Ecole d'arts appliqués et qu'elle a pu se consacrer à l'une de ses grandes passions, la sculpture.

   El Mundo


 

 

Journal l'Humanité
28 septembre 2007

Culture Chronique d'Evelyne Pieiller

Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse, de Gérard Pommier.

Éditions Flammarion, collection « Champs », 433 pages.

On l’aura remarqué, une espèce de vague religiosité niaise revient en force et, les temps étant ce qu’ils sont, on est censé « respecter » les superstitions et bondieuseries diverses qui n’ont pas grand-chose à voir avec une démarche authentiquement spirituelle, qui implique qu’on pense avec rigueur. Curieusement, cet obscurantisme diffus se double d’une offensive massive de l’idéologie qui accompagne le plus souvent les neurosciences, l’évidence supposée que le corps ne serait qu’une machine, et qu’une fois la machine bien régulée, les « désordres » du comportement seraient enfin éliminés, alléluia. Donnons donc aux enfants agités, probables futurs adolescents à problèmes, de la ritaline, et on n’aura plus de délinquants. Castrons chimiquement les agresseurs sexuels, et ils seront paisibles. Dans certaines nurseries nord-américaines, on donne aux petits enfants qui se balancent dans leur lit des médicaments qui « guérissent » le balancement. L’ennui, c’est que ledit balancement signifie en général une grave carence affective, mais, puisque l’enfant ne se balance plus, c’est que tout va bien. On en vient même à soigner des lésions du cerveau avant qu’elles n’existent : le syndrome du « minimal brain damage » permet de suspecter des lésions, trop discrètes pour être repérées, chez des enfants dits hyperactifs des ghettos noirs : d’où administration d’amphétamines. Les psychiatres nord-américains ont fait adopter leur classification par la majorité de l’Association mondiale de psychiatrie, et l’OMS considère désormais le cognitivisme et la pharmacologie comme l’abord véritablement scientifique de la souffrance psychique. Tout n’est qu’une question d’hormones et de connexions nerveuses. Le médicament approprié permettra de faire fonctionner correctement un « moi » enfin « autonome » et qui trouvera sa place dans la société. Les trusts pharmaceutiques seront nos bienfaiteurs, et l’humain aura le bonheur à portée de main : quant à l’ordre social, il sera enfin garanti, car peut-être bien que le mécontentement et la maussaderie qui entraînent à la grève relèvent eux aussi d’une inadaptation, qu’un traitement peut corriger. Allons, non, ce n’est pas tout à fait de la science-fiction. On est de l’hormonal, du neuronal, du codage, point barre - c’est le cas de le dire. Ah ! Ça faisait déjà un moment qu’on se demandait si on était vraiment les rois de l’univers, il faut renoncer à cette illusion, on est de l’organique, il est donc logique que la formation des médecins et infirmiers en psychiatrie ait été réduite « à l’apprentissage de catalogues d’équivalence entre des symptômes et des médicaments psychotropes », il est logique que l’on cherche le gène de l’homosexualité, de la schizophrénie ou de l’anorexie mentale, logique que la psychanalyse soit peu à peu considérée comme une coûteuse méthode Coué, logique qu’on ait un peu de mal à se rappeler notre grandeur, celle qui nous a fait inventer la musique, les caravelles, la Déclaration des droits de l’homme ou la compassion…

L’essai de Gérard Pommier, psychiatre et psychanalyste, est une merveille retournante : il examine les découvertes des neurosciences avec précision, pour en tirer les conséquences qui ne sont pas celles qu’en tire la lecture dominante. Ainsi, à la naissance, le « matériel neurobiologique dépasse les nécessités physiologiques ». Il y a à la fois retard neurologique (le système nerveux n’est pas « fini ») et une surmaturité. Or les connexions nerveuses vont se développer à proportion de leur utilisation, l’individu construit son propre système neuronique en fonction de sa propre activité. Les neuf dixièmes de ses connexions ne sont pas instaurées quand il vient au monde et ses potentialités ne programment aucune activité précise : ces neurones non branchés vont être utilisés pour le langage, pour la fabrique du sens, pour ce qu’on va appeler la réalité psychique. Tout ce qui va permettre, dans l’ouverture à l’autre, que naisse un sujet, capable de penser, de rêver, de souffrir, d’aimer… La subjectivité « ne se trouve pas au bout de la molécule », mais dans l’accès au langage, qui permet de symboliser la pulsion : et bien des résultats des neurosciences n’ont de sens qu’à cette lumière-là : comment comprendre, sinon, la carte des aires sensorielles et motrices du cortex, par exemple ? Splendeur, à contre-courant de toutes les petitesses qu’on nous présente aujourd’hui comme représentation de l’homme. Et c’est totalement convaincant, enthousiasmant, perturbant, compromettant, et tout bonnement indispensable.

Evelyne Pieiller

 

Livres
Penser atmosphérique

De Newton, Descartes ou Freud, a la catastrophe climatique, de la physique a la philosophie: l'itinéraire de Loup Verlet.

Par Robert MAGGIORI

QUOTIDIEN : jeudi 12 avril 2007

Quel est votre itinéraire ? Chimeres et Paradoxes est l'accomplissement de tout mon parcours de chercheur et je suis heureux d'etre enfin parvenu a le mener a bien. A pres de 76 ans, je peux tirer un bilan, meme si les diverses activités dans lesquelles je suis engagé comportent encore leur part d'inconnu. Je considere que j'ai cerné ce que je cherchais aussi bien qu'il m'était possible. J'ai aussi l'impression d'avoir perdu beaucoup de temps au milieu de ma vie, de m'etre dispersé, d'avoir commis beaucoup d'erreurs. Mais cette période chaotique fait partie de ce que je suis devenu. Elle m'a aidé a me dépouiller de la carapace scientifique qui me protégeait des autres et de moi-meme.
Mes parents étaient archéologues. Ils m'ont communiqué le gout des livres, la passion de la découverte, l'exigence de la rigueur. J'ai choisi mon métier en entendant un de leurs amis, physicien, décrire ses recherches et parler de ses maîtres: comme lui, je voulais faire de la physique nucléaire sans meme savoir ce que cela voulait dire. Mais j'avais été exposé auparavant aux énigmes et aux drames de l'Histoire. Activement engagé dans la Résistance, mon pere gardait (a juste titre) un silence pesant sur ses activités: un petit frere adoptif est soudain apparu sans explications en 1942 au moment des rafles du Vél d'Hiv. Fasciné et horrifié, j'ai entendu ensuite les récits des familiers de mes parents revenus de déportation. J'ai été marqué a jamais par le sens de ma responsabilité personnelle face aux défis que nous lance l'Histoire sans etre jamais assuré d'avoir le courage d'y répondre.

A l'Ecole normale, j'ai partagé avec quelques camarades un désir militant d'explorer et d'imposer la physique , qui n'était pas enseignée a la Sorbonne; nous avons du la découvrir dans les livres que nous travaillions ensemble, puis a l'admirable Ecole d'été des Houches. J'ai continué avec un séjour de deux ans au laboratoire de physique théorique dirigé par Viktor Weisskopf qui a joué pour moi le rôle de maître. Homme de gauche, antinazi militant, il avait du fuir l'Autriche, s'était retrouvé en URSS au moment des grandes purges et avait réussi a gagner les Etats-Unis. Pendant la guerre, il avait participé activement a la construction de la bombe. En l'entendant parler avec ses amis, les plus grands physiciens de l'époque, je sentais que cette entreprise, justifiée par la nécessité de prendre de vitesse les nazis, avait été l'aventure de sa vie. J'étais fasciné par cette découverte. J'ai quitté la physique nucléaire apres ma these en 1957 et me suis dirigé vers l'étude de la théorie des liquides dont je suis devenu en quelques années un expert...

Qu'est-ce qui a fait que vous soyez de la physique a la philosophie? 

J'ai encore du mal a me penser comme philosophe, sachant que je serais évidemment recalé a quelque examen universitaire testant mes connaissances philosophiques. Le deuil de la physique, je ne l'ai vraiment fait qu'en 1992. Ayant terminé la Malle de Newton , j'ai travaillé quelques mois avec mon ami Dominique Levesque, qui fut longtemps mon éleve et qui était devenu mon maître. Nous avons fait ensemble un travail suffisamment bon pour que j'aie pu sans regret passer a autre chose. Les années 70 ont été pour beaucoup de gens l'occasion de profondes remises en cause. J'ai été, au début de cette période, en relation avec le mouvement Survivre et Vivre qui mettait en question l'activité scientifique. J'ai beaucoup parlé a l'époque avec Daniel Sibony, mathématicien qui s'était tourné vers la psychanalyse. Grâce a lui, j'ai entamé une assez longue psychanalyse. J'en éprouvais le besoin et je m'imaginais aussi explorant un jour sa pratique. Mon analyste a entendu sans moufter ma décision brutale d'arreter la physique. Repensant plus tard a cette décision, j'ai compris qu'elle devait etre reliée aux circonstances de mon choix de la physique nucléaire: l'explosion des bombes atomiques lâchées sur Hiroshima et Nagasaki en aout 1945.[lire la suite]

Journal l'Humanité
Rubrique Tribune libre
Article paru dans l'édition du 20 janvier 2007.

Dans l’intimité de Lou et d’Anna, remparts affectueux autour de Freud

À l’ombre du père. Correspondance, 1919-1937. Lou Andreas-Salomé, Anna Freud. Préface et traduction de l’allemand par Stéphane Michaud. Texte établi par Dorothée Pfeiffer. Hachette Littératures, 2006, 660 pages, 35 euros.

Trouvant une place originale parmi les correspondances publiées à l’occasion du cent cinquantième anniversaire de la naissance de Freud,dont les Lettres à Fliess évoquées en octobre dernier dans ces mêmes colonnes, la correspondance entre Lou Andreas-Salomé, femme de lettres et psychanalyste au destin extraordinaire, et Anna Freud, qui deviendra la «gardienne» du temple freudien, constitue un document remarquable qui s’étend sur dix-huit années, ne s’interrompant qu’avec la mort de Lou Andreas-Salomé, en 1937.[lire la suite]


Libération jeudi 16 novembre 2006

Freud et son Fliess maudit
Parues expurgées dans «la Naissance de la psychanalyse», les «Lettres» de Freud à Wilhelm Fließ sont enfin publiées dans leur intégralité.
Par Robert MAGGIORI

Sigmund Freud Lettres à Wilhelm Fliess. 1887-1904. Traduit de l'allemand par Françoise Kahn et François Robert. PUF, 764 pp., 59 €.

Évidemment, ça se terminera mal, dans le dépit et la rancœur. La dernière lettre, du 27 juillet 1904, s'achève ainsi : «Sur la bisexualité ou sur d'autres sujets, il se trouve chez moi si peu de choses que je t'ai empruntées que peu de remarques me suffiront à rendre justice à ta participation. Il me faut seulement être sûr que tu es d'accord avec elles et que tu n'y trouveras pas l'occasion de me faire un nouveau reproche. Je te demande donc de me répondre là-dessus. Avec mes salutations cordiales, Sigm.» On ne sait pas si Wilhelm a répondu.[lire la suite]


Journal l'Humanité
Rubrique Société
Article paru dans l'édition du 21 octobre 2006.

l’Humanité des débats
Une nouvelle figure de la peur
Par Thierry Najman, psychiatre des hôpitaux, psychanalyste (1)

Comment la violence influe sur la construction des jeunes de banlieue ?

Notre société est actuellement fascinée par la figure du monstre. Celui-ci prend dans les médias deux formes exemplaires: le pédophile et le terroriste. Il suffit d’allumer la télévision pour s’en rendre compte. Ceux-ci captivent le regard du public. Je me demande parfois, de ma place de psychiatre-psychanalyste, si le «jeune de banlieue» ne va pas venir allonger prochainement cette liste.[lire la suite]


Journal l'Humanité
Rubrique Tribune libre
Article paru dans l'édition du 19 octobre 2006.

idées Michel Plon, « Un transfert avec des hauts et des bas »
Entretien

Coauteur (avec Élisabeth Roudinesco) du Dictionnaire de la psychanalyse (Fayard),le psychanalyste Michel Plon situe ces lettres dans l’histoire.

Qu’apporte la lecture de ces lettres dans la formation et le travail d’un analyste aujourd’hui ? Michel Plon. On ne peut pas imaginer qu’un praticien, quel que soit son domaine, ne connaisse pas de manière approfondie et détaillée l’histoire de sa discipline et encore moins les conditions de l’élaboration des premiers pas de ce savoir. Mais, en plus, dans le cas de Freud il se trouve que le découvreur est à la fois auteur et acteur. Freud a dit de l’échange avec Fliess qu’il constituait son « autoanalyse ». Expression assez contestable, il vaudrait mieux dire, comme le suggérait Octave Mannoni, « analyse originelle », formule qui souligne l’importance de l’interlocuteur, de la présence de Fliess comme support de l’élaboration de la théorie freudienne. Entre Freud et Fliess s’est produit ce qu’on appelle un transfert, transfert qui comme tous les transferts analytiques va connaître des hauts et des bas, des turbulences qui se termineront assez mal.
[lire la suite
]


        LE MONDE DES LIVRES | 19.10.06 

Critique
Naissance de Freud

Elisabeth Roudinesco

Voilà que paraît enfin, avec vingt ans de retard, l'édition française de la correspondance non expurgée que Freud adressa, entre 1887 et 1904, à son ami Wilhelm Fliess, médecin berlinois, oto-rhino-laryngologiste connu pour ses théories extravagantes. Autant dire que ces 287 lettres, déjà traduites en plusieurs langues et maintes fois commentées, depuis 1985, par tous les spécialistes du freudisme, ne contiennent, pour la présente traduction française, aucune nouvelle "révélation" susceptible de transformer le regard que les historiens portent aujourd'hui sur les origines de la psychanalyse.[lire la suite]


Journal l'Humanité
Rubrique Tribune libre
Article paru dans l'édition du 12 octobre 2006.

Punir les pauvres

Depuis le printemps 2004, l'Union syndicale de la psychiatrie (USP) s'est engagée avec le collectif national unitaire dans la lutte contre le projet de loi dit de prévention de la délinquance. Il s'agissait de dénoncer l'instrumentalisation de la psychiatrie et de l'ensemble du sanitaire, mais aussi celle des enseignants, des travailleurs sociaux et des éducateurs à des fins de contrôle social.

L'ensemble des syndicats de psychiatres s'est depuis le début de l'été mobilisé pour demander le retrait de tous ce qui concerne l'organisation des soins en psychiatrie. Le conseil de l'ordre des médecins et la commission nationale consultative des droits de l'homme ont manifesté sans effet leur inquiétude concernant les atteintes au secret professionnel et le "recul des droits de la personne fragile ou malade".

Il s'agissait aussi et surtout pour l'USP de dénoncer la confusion entretenue entre délinquance, précarité, fragilité, absentéisme scolaire, santé mentale, voire immigration, qui sous-tend l'ensemble des propositions. Faut-il dès lors s'étonner de voir apparaître dans la dernière version du projet adoptée le 21 septembre 2006 des articles concernant les gens du voyage et les chiens méchants... L'esprit du texte, sa volonté évidente de constituer par association une " image type du supposé nuisible", est ainsi complété et conforté. Ce projet s'apparente ainsi plutôt à un texte de propagande populiste visant à dédouaner a priori les élus de toute responsabilité politique, par la stigmatisation de millions d'individus.

La mauvaise foi et le cynisme sont des armes redoutables, comme nous l'avons vu dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, avec M. Douste Blazy, le contrôle des chômeurs et le droit du travail avec M. de Villepin, la justice à 2 vitesses avec M. Perben ; la recherche de bouc émissaire, l'affirmation que des parasites et des profiteurs corrompent le système à chaque fois favorisent le consensus. L'ennemi est intérieur, c'est votre voisin de palier, celui qui n'a pas l'air de travailler, qui est trop vieux, qui a une drôle de tête ou une drôle de couleur, vous l'avez toujours su...

Peu importe si ces affirmations poussent à la haine, la violence, les règlements de comptes, c'est ailleurs que cela se passe, chez les pauvres, les précaires, les vilains, tout en justifiant une nouvelle escalade de la répression. Un tel système, qui se nourrit de la délinquance, du chômage et de la précarité, n'a aucun intérêt à les voir reculer.

Gageons que lors de la discussion au Parlement, nous découvrirons pour le plus grand plaisir des rédactions l'histoire d'une petite fille tzigane mordue par le chien méchant d'un SDF sans papiers sortant d'une hospitalisation d'office et élevé dans un quartier sans vidéosurveillance, régulièrement absent à l'école, dont les parents chômeurs, fraudeurs aux allocations familiales, avaient pourtant rencontré deux travailleurs sociaux et un psychiatre... Pour permettre la
liquidation des services publics et le renoncement à toutes les avancées d'après-guerre, il faut conforter l'idée qu'une partie de la population (les autres, évidemment) n'est pas digne de l'attention qu'on lui porte. Surveiller et punir deviennent alors les seules orientations crédibles quel qu'en soit le coût financier et social. Les soins seront eux évalués au mérite, sur la base de la valeur marchande de l'individu. L'eugénisme social est ainsi assumé pleinement et sans complexe, la réponse à la précarité des conditions de vie doit être une politique de simple gestion des " débordements ". C'est pour combattre ces orientations inacceptables et dangereuses que l'USP s'est engagée dans le CNU mais aussi dans le processus des états généraux de la santé et de l'assurance maladie (EGSAM) qui doivent se tenir les 21 et 22 octobre à Bobigny pour rédiger un manifeste pour la santé.

Par Pierre Paresys,
Président
de l'Union syndicale de la psychiatrie.

Page imprimée sur http://www.humanite.fr


Journal l'Humanité
Rubrique Cultures
Article paru dans l'édition du 7 octobre 2006 .

Les Lettres françaises
La psychanalyse comme résistance politique à la gestion de l’intime : l’affaire des psychothérapies

Quand, à l’occasion de l’amendement Accoyer, s’était posé, à l’Assemblée nationale puis plus tard au Sénat, de septembre 2003 jusqu’au vote de la loi, le 9 août 2005, le problème de la réglementation par l’autorité publique des psychothérapies, un certain nombre de psychanalystes s’étaient fortement mobilisés contre ce qu’ils dénoncèrent comme une entreprise de normalisation à travers ce que l’individu pouvait avoir de plus fragile : ses défaillances, ses troubles, ses fragilités mentales. Et pourtant les intentions des politiques, comme toujours, semblaient louables : il fallait protéger les citoyens de charlatans qui profitaient de la souffrance psychique pour remplir leur portefeuille, donner un cadre contraignant à une pratique thérapeutique sauvage qui échappait à tout contrôle, en un mot « sécuriser » les gens qui allaient mal. La levée de boucliers suscitée face à cette apparente sollicitude fut à ce point importante et massive qu’on ne pouvait y voir une simple défense corporatiste de médecins imaginaires qui auraient voulu continuer leur cuisine à l’écart. Il fallait donc voir dans cette résistance autre chose. Le fonds politique de cette rébellion nous est donné à penser dans un bel ouvrage collectif intitulé Psychanalyse : vers une mise en ordre ? dont les auteurs sont aussi bien psychiatre, psychanalyste que chercheur ou même sénateur. On comprend alors que l’« affaire des psychothérapies » fut autre chose que l’entreprise, de la part de politiques soucieux d’utilité publique, de responsabiliser le monde « psy ».[lire la suite]


France culture 12/09/06

Mécaniques terroristes

Cinq ans après le choc du 11 septembre 2001, France Culture prend l'initiative d'une programmation documentaire exceptionnelle visant à reconstituer l'histoire de la Mécanique terroriste de la deuxième moitié du XXème siècle.
Cette série de dix émissions de 54 minutes chacune, coproduite par la Première de la RTBF, la Première chaîne de Radio Canada, Espace 2 de la Radio Suisse Romande et France Culture, décrit les itinéraires de ceux qui, à un moment de leur vie, ont choisi la violence armée et le terrorisme pour mode d'action politique. Fondée sur leur témoignage elle donne également la parole à ceux qui, juges, policiers ou hauts fonctionnaires les ont combattus.

Après une première émission qui part du 11 septembre 2001 pour remonter à la seconde guerre mondiale et à la qualification que les occupants nazis donnaient aux résistants, les épisodes suivants s'attachent chacun à un ou deux pays, afin de décrire le contexte dans lequel se sont mises en place des «mécaniques terroristes».
La Palestine de 1945 ou l'Algérie de 1954, puis le Pays basque des années 60 précédent ainsi l'Irlande de l'IRA et de l'Ulster Volunteers Force ou l'Italie des Brigades Rouges et des Noyaux armés révolutionnaires néo-fascistes.
La série s'intéresse aussi au Front de Libération du Québec et à la mort du ministre Laporte en 1970, à l'Allemagne de la Fraction Armée Rouge, aux détournements d'avion par les groupes palestiniens, au massacre de Munich en 1972 et à la guerre du Liban comme matrice des nouveaux mouvements terroristes des années 80 et 90.
Cette série a la particularité d'avoir été réalisée par Emmanuel Laurentin et Laurent Rousseaux de France Culture, avec le concours de Frédéric Nicoloff de Radio Canada, Jean-Pol Hecq et Amaury Chardeau pour la RTBF, Nathalie Versieux et Valérie Demon pour la Radio Suisse Romande. Chacun d'entre eux s'est rendu dans un des pays touchés par le terrorisme (Israël, Palestine, Italie, Algérie, Allemagne, Espagne, Etats-Unis, Irlande...) pour y interroger des témoins et comprendre ce qui les avait poussés à utiliser l'attentat individuel ou indiscriminé comme moyen de parvenir à leur but. A les écouter, on découvre l'écheveau de raisons personnelles et collectives qui les ont conduits à pousser plus loin l'action violente et à entrer dans la spirale terroriste.
Ces émissions n'ont pas pour ambition de faire l'histoire du terrorisme depuis 1945, mais d'approcher la complexité de ce phénomène né à la fin du XIXème siècle en tentant de comprendre les ressorts de ceux qui l'ont pratiqué.

Autour de la colonne vertébrale que représente cette programmation étalée sur deux semaines de diffusion, du 11 au 22 septembre 2006, s'articulent
plusieurs autres émissions s'attachant à prendre la mesure des changements intervenus depuis l'attentat de New-York, eu égard à la géopolitique ou à la sécurité dans les sociétés occidentales.[écouter sur France culture]


Lire Septembre 2006

Entretien avec Michel Scneider
par François Busnel

Lire, septembre 2006

Qui a tué Marilyn? Peut-être bien la psychanalyse. Dans un roman captivant où les personnages sont vrais et leurs propos tirés de notes, récits, dictées, lettres ou entretiens, Michel Schneider raconte les deux dernières années de la vie de Marilyn Monroe. De janvier 1960 au 4 août 1962, elle suivit une cure auprès du psy le plus influent d'Hollywood, l'énigmatique Ralph Greenson. Ce dernier lui administra un traitement qui n'a pas grand-chose à voir avec la psychanalyse freudienne classique, acceptant l'usage des drogues, accueillant Marilyn dans sa famille, négociant ses cachets d'actrice et allant jusqu'à superviser les cadrages et les scripts... Quel rôle joua-t-il dans la mort de Marilyn? Pourquoi la plus célèbre actrice du monde souhaita-t-elle disparaître? Marilyn et Greenson sont deux personnages de roman; Michel Schneider leur rend vie dans une «fiction vraie» passionnante. L'un des livres-événements de cette rentrée littéraire.

[...] La vérité n'est pas l'absence de contradictions mais le fait d'assumer ces contradictions. Dans ce livre, tout est vrai mais à l'intérieur d'une fiction; mais je n'affirmerai jamais que l'histoire de Marilyn et de Greenson s'est vraiment déroulée comme je le raconte. Le romancier n'est tenu à rien d'autre qu'à voler des bouts de vie, des bouts de mot, des bouts d'image et à les mettre ensemble: il commet un crime parfait. Qu'est-ce qu'un crime parfait? Celui dont on ne retrouve pas l'auteur. Eh bien, c'est cela un roman![lire l'interview complet]


Le point 17/08/06 

Politique
La France qui gagne ... en librairie

La France est sur le divan. Qui pourrait l'ignorer ? Des livres par dizaines dissèquent le malaise. Entre haine de soi et discours sur la grandeur passée, la dépression nationale fait recette, sans pour autant se vendre toujours. Petit tour en librairie.

Elisabeth Lévy

Psychotique ou névrosée, mal-aimée et malheureuse, oublieuse et oubliée, hantée par la culpabilité, sommée par les uns d'affronter un passé indicible, conviée par les autres à recouvrer l'estime d'elle-même en se rappelant sa grandeur : la France est sur le divan. A son chevet, les plus grandes sommités de la psychanalyse sociale et sociétale - à charge pour chacun de distinguer les Diafoirus des penseurs - s'écharpent sur le diagnostic, donc sur le remède, quelques-uns prônant l'euthanasie pure et simple ou, à défaut, une rééducation sévère, d'autres recommandant au contraire une cure intensive de massage du narcissisme national. Certains parlent de passions mortifères, voire de pulsions suici- daires. Au point qu'on se demande si ce brouhaha ne va pas étourdir la patiente au lieu de la guérir. « Le résultat, avance Philippe Raynaud, professeur de philosophie à Paris-II, c'est un curieux mélange de haine de soi et de nationalisme. D'un côté, on a l'impression que le discours de dénigrement est dominant, parce qu'il est partagé par une grande partie des élites et par l'extrême gauche ; de l'autre, les Français semblent penser que leur modèle est par définition incomparable. » [lire la suite]


Nice première
24 juillet 2006

Le Liban, des questions et des réponses Jean-Luc Vannier, psychanalyste, et qui écrit régulièrement sur Nice-Première, a passé de nombreuses années au Liban et a notamment rencontré les responsables du Hezbollah. Il intervient régulièrement dans l’émission de télévision «le Dialogue des cultures» sur la chaîne chiite NBN en 2002 pour l’année de la Francophonie. 

Depuis 1993, Jean-Luc Vannier connaît le Liban. Il s’installe à Beyrouth (Ashrafieh) en 1999 et y séjourne jusqu’en 2004 comme Professeur à l’Université St Joseph de Beyrouth ainsi qu’au Centre d’Études et de Recherches Stratégiques de cette Université. Il met en place un centre d’écoute psychique pour les adolescents en difficulté au sein de l’organisation humanitaire libanaise Arc En Ciel et participe aux présentations de patients de l’hôpital psychiatrique Der El Salib de Beyrouth. Il intervient régulièrement dans l’émission de télévision « le Dialogue des cultures » sur la chaîne chiite NBN en 2002 pour l’année de la Francophonie. Jean-Luc Vannier est au Comité de rédaction de la revue libanaise de psychanalyse «Ashtarout» et membre du cercle psychanalytique du  Pinacle de Beyrouth-Nice-Paris». [lire la suite]


Journal l'Humanité
Rubrique Cultures
Article paru dans l'édition du 1er juillet 2006.

Les Lettres françaises
Rosset l’enchanteur.


Fantasmagories suivi de le Réel, l’Imaginaire et l’Illusoire
de Clément Rosset. Éditions de Minuit, collection «Paradoxe".

"Enchanteur". Voilà une qualification qui peut sembler paradoxale, appliquée à un philosophe s’attachant à la question du réel et de ses doubles, grand "désaffubleur" et pourfendeur d’illusions... mais non, le charme s’applique bien, en ce que la pensée de Clément Rosset, aussi exigeante soit-elle, se déroule, limpide, éclairée, éclairante, ouverte au plus grand nombre. Ou plutôt: sa pensée, parce qu’elle est exigeante, est claire et généreuse - ça nous change des pseudos penseurs dont l’amphigourie masque les raisonnements captieux! Clément Rosset mobilise aussi bien des références littéraires, cinématographiques, tintinophiles, musicales, (d’autres que j’oublie) et bien sûr philosophiques, pour mettre en place, petit opuscule après petit opuscule (douze en vingt-huit ans aux Éditions de Minuit, pour ne citer que cet aspect de son oeuvre) un système nous permettant de traverser la rivière du réel à sec, étape après étape, tout en profitant du paysage bruissant qui nous entoure sans s’y égarer (ou bien en connaissance de cause): ombres, reflets, échos, reproductions diverses du réel... Au-delà d’une pensée, il crée également une écriture sensible, non dénuée d’humour, à mi-chemin entre un développement philosophique classique (quant à la rigueur et la clarté de la démonstration) et une critique littéraire, esthétique, vivante et mobile. Loin d’une chape de sérieux, on va de Borgès à Tintin, de Alison Jackson à Heidegger - en passant par Philip K. Dick.[lire la suite]


LE MONDE DES LIVRES | 22.06.06 | 
Entretien
J.-B. Pontalis : "On est fait de mille autres"

Comment commencer un portrait de Jean-Bertrand Pontalis ? Vingt débuts s'offrent à l'esprit. N'a-t-il pas lui-même intitulé son autobiographie (superbe) L'Amour des commencements (1) ?

Il y a le début nostalgique ou germanopratin. Cette photo célèbre, prise au Tabou peut-être ou dans quelque bar enfumé du Saint-Germain-des-Prés de l'immédiat après-guerre. On l'y voit debout, un peu en retrait et comme absent de la conversation qui se déroule devant lui entre Queneau, Sartre, Boris et Michelle Vian... Une image où tout est là, déjà, du personnage, cette manière de tenir sa cigarette penchée, le bras replié contre le torse, cette posture de la tête, légèrement inclinée sur le côté, ses lunettes qui encerclent le regard un rien rêveur, paraissant hésiter entre le sourire et la mélancolie.[lire la suite]


LE FIGARO 08.05.06
La France s'allonge sur le divan
La chronique d'Alain-Gérard Slama

A en juger par les commentaires qui ont accompagné la célébration du 150e anniversaire de sa naissance, il semble que, en Europe du moins, Freud s'éloigne. Certes, la discipline pèse encore d'un certain poids en psychiatrie. Mais à force de se banaliser, les concepts freudiens ont perdu en grande part de la valeur explicative qui leur était attribuée naguère par les intellectuels et les artistes.

On ne regrettera pas nécessairement que, à quelques exceptions près, comme Woody Allen, le cinéma, le théâtre, le roman aient pris quelque distance par rapport aux thèmes freudiens, dont ils ont usé et abusé. Mais il est navrant que, en dépit du maintien de la psychanalyse dans les programmes de philosophie, les étudiants en lettres, en histoire ou en droit n'aient, pour la plupart, qu'une idée très vague de la pensée freudienne. La voici datée, renvoyée à la Vienne du début du XXe siècle, et à la névrose d'une bourgeoisie enfermée dans l'angoisse de sa décadence et de ses préjugés.[lire la suite]


L’HUMANITE 06.05.06
Freud. Ses ennemis lui feront toujours la guerre
Par Élisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse.

Vivre sans Freud? L’humanité ne l’a-t-elle pas fait durant des siècles? Le plus étrange dans le destin de ce Viennois qui aurait aujourd’hui cent cinquante ans, n’est pas qu’on puisse se demander si l’on peut se passer de lui, mais qu’il soit encore là! N’est-il pas cent fois mort, lui dont on a tant annoncé la disparition, comme d’ailleurs on a cent fois proclamé la fin de l’histoire? Quoi qu’on fasse pourtant - exil, moqueries, bannissement, haine, éradication - la psychanalyse qu’il a inventée réapparaît sans cesse et sous différentes formes, là où précisément on avait voulu s’en débarrasser.[lire la suite]


NOUVEL OBSERVATEUR  06.05.06 
AUTRICHE

Sigmund Freud a 150 ans

L'Autriche commémore ce samedi le 150e anniversaire de la naissance du père de la psychanalyse.

Vienne, capitale de l'Autriche, commémore samedi 6 mai le 150e anniversaire de la naissance de Sigmund Freud. Une fête moins éclatante que le 250e anniversaire de la naissance de Wolfgang Amadeus Mozart, enfant chéri de l'Autriche. Vienne, où Freud a passé 78 ans de sa vie, propose un certain nombre d'activités pour l'occasion.
Rendez-vous d'abord au numéro 19 de la Berggasse, résidence du psychanalyste et cabinet de 1891 à 1938. La maison héberge depuis 1971 un musée consacré au "père" de la psychanalyse, une exposition est consacrée au "divan de Freud" depuis le 5 mai. Intitulée "Le divan: la pensée au repos", elle restera ouverte jusqu'à novembre pour retracer l'histoire de ce meuble et son rôle au sein de la psychanalyse.[lire la suite]


LIBERATION 04.05.06
Freud, 150 ans

Libido

Le Ça, c'est quoi ? Et le transfert ? Est-il possible de définir un concept psychanalytique en moins de 1 000 signes ? Et est-ce vraiment raisonnable ? Nous avons posé la question à deux psychanalystes français, l'un lacanien et l'autre pas. Ils ont accepté de jouer le jeu. Voici leurs propositions. par Alain de MIJOLLA et Alain VANIER
Le Ça, c'est quoi ? Et le transfert ? Est-il possible de définir un concept psychanalytique en moins de 1 000 signes ? Et est-ce vraiment raisonnable ? Nous avons posé la question à deux psychanalystes français, l'un lacanien et l'autre pas. Ils ont accepté de jouer le jeu.

Voici leurs propositions.[lire la suite]


LIBERATION 04.05.06
Freud, 150 ans

Transfert par Alain de MIJOLLA et Alain VANIER

La notion désigne, en psychanalyse, le report inconscient, au cours d'une relation psychanalytique, des images et des émotions de son enfance sur son thérapeute. Elle est à distinguer de l'usage désormais courant du terme, car il y a forcément quelque chose d'un «transfert» dans les relations que l'on a avec toute personne ou toute situation : Monsieur X me rappelle... Il en va autrement au cours de la situation psychanalytique où l'analyste se voit au fil des séances chargé de représenter tel personnage du passé de l'analysant, père, mère, sœur, frère, etc. Il se développe alors une «névrose de transfert», moteur de la cure. Le transfert est inconscient et l'analyste peut en interpréter les manifestations, montrant que ce que l'analysant considérait comme un événement ou un sentiment actuel se rapporte en fait au passé. Il a comme clé pour ses interprétations l'analyse de son «contre-transfert», formé des sentiments conscients et inconscients réveillés par l'analysant.[lire la suite]


LIBERATION 04.05.06
Freud, 150 ans

OEdipe, par Alain de MIJOLLA et Alain VANIER

Ce mot condense la notion psychanalytique de «complexe d'Oedipe». Celui-ci montre les liens affectifs conflictuels conscients et inconscients qui unissent dès le plus jeune âge le père, la mère et l'enfant, trio symbolique des relations humaines, chacun aimant et haïssant l'autre, tour à tour, au long de son évolution. Ce sont des étapes importantes dont le plus ou moins net franchissement marquera la psychopathologie de chacun, car l'Oedipe est «le complexe nucléaire des névroses». Son évolution n'est pas la même chez le garçon et chez la fille, en raison de l'attachement primaire qui unit à la mère.[lire la suite]


LE FIGARO 04.05.2006

Freud, tout feu tout femmes par Clémence Boulouque

Pour lui expliquer la psychanalyse, Freud aurait un jour dit à sa fille Anna, âgée de quatorze ans : «Tu vois ces maisons avec leurs belles façades? Les choses ne sont pas toujours aussi belles derrière les façades. C'est la même chose avec les êtres humains.» [lire la suite]


LIBERATION 04.05.06
Freud, 150 ans

Signé Sigmund
Le père de la psychanalyse est né le 6 mai 1856. État des lieux un siècle et demi plus tard.
par Robert MAGGIORI

Chantal Talagrand
René Major
Freud
Gallimard, «Folio biographies»,2006

S'il l'avait seulement dit, on l'eût pris pour un crâneur. Évaluer sa propre oeuvre, et la placer très haut, passe encore. Mais se situer soi-même à la suite de Copernic et de Darwin, quel toupet ! Copernic fait subir au genre humain sa première «humiliation», cosmologique. Il rabat le caquet de cet homme qui, souverain d'une Terre trônant au centre du système solaire, se prenait pour le maître de l'univers. Darwin sa deuxième, biologique. Il scie la branche élevée sur laquelle l'être humain, fort de sa raison, de sa parole et de sa descendance divine, s'était assis, pour le faire tomber au sol, au milieu de ses frères les animaux. La troisième est psychologique. C'est moi, Freud, dit Freud, qui l'ai infligée à l'homme, dont l'illusion était de se croire «maître dans sa propre maison», capable de tout voir dans les eaux claires de sa conscience et de naviguer à sa guise. S'il l'avait seulement dit... [lire la suite]


LE MONDE 03.05.06
L'ivre noir, réflexions d'un clinicien, par Pascal Gache

Ah! quelle joie, quelle jubilation de lire Le Livre noir de la psychanalyse (Les Arènes), puis quelques mois plus tard Pourquoi tant de haine (Navarin) et L'Anti-livre noir de la psychanalyse (Seuil) ! Enfin le combat a lieu, enfin ils s'affrontent - à ma grande satisfaction, pour mon grand bonheur. Quel plaisir d'assister à un conflit idéologique, de peser les arguments de chacun, y compris ceux d'une mauvaise foi exemplaire ! Ils se haïssent, se détestent, s'invectivent, se méprisent mais à tout le moins ils se répondent ! Les différences conceptuelles, philosophiques, épistémologiques, voire politiques, éclosent comme des bourgeons de printemps. Ils livrent bataille en place publique. Grand Dieu que c'est bon! [lire la suite]


LIBERATION 27.04.06
La lutte contre l'expulsion des élèves sans-papiers fait école
par Marie-Joëlle GROS

C'est un appel à la désobéissance civique. Depuis quelques jours, une pétition intitulée «Nous les prenons sous notre protection» circule sur l'Internet à l'initiative du Réseau éducation sans frontières (RESF). Sur fond de mobilisation contre le projet de loi Sarkozy sur l'immigration, dont l'examen débutera mardi à l'Assemblée nationale, ce collectif d'enseignants, de parents d'élèves et de lycéens appelle «tous ceux qui se sentent concernés par la défense des droits de l'homme» à «s'opposer aux expulsions massives de jeunes et de familles entières». Cette fin d'année scolaire risque en effet de se solder par des centaines d'expulsions. Une circulaire du ministère de l'Intérieur du 31 octobre 2005 interdit l'expulsion d'élèves en cours d'année. Ce sursis prendra fin avec les grandes vacances, le 30 juin.[lire la suite]


LE MONDE - 20.04.06
"Maman !", s'écria Freud, par Dominique Dhombres

Sigmund Freud est né le 6 mai 1856. ARTE célébrait, avec un peu d'avance, vendredi 28 avril, ce cent cinquantième anniversaire. Tout d'abord avec un documentaire sur les rapports étonnants entre le cinéma et la psychanalyse. L'un et l'autre sont nés pratiquement en même temps. [lire la suite]


LE MONDE 19.04.06
Analyse
"Prédélinquants" dès la crèche? par Cécile Prieur

La controverse a joué comme un catalyseur dans le monde de la petite enfance. Des pédopsychiatres, des psychologues, des pédiatres et des travailleurs sociaux ont fait une irruption soudaine dans l'espace public. Habitués à travailler dans la discrétion, au plus près des enfants en souffrance psychique, ils s'élèvent pour s'opposer aux conclusions d'une expertise collective de l'Inserm.[lire la suite]