Dans cet ouvrage destiné au grand
public, si lon en croit la quatrième de couverture,
et qui paraît au moment où à lassemblée
nationale, on voudrait régler le sort de la psychanalyse,
en lassimilant à une « forme de psychothérapie
», Pierre Marie poursuit en fait une réflexion quil
a engagée depuis longtemps.
En effet, dans « quest-ce que la psychanalyse ? »
(aubier 1988), il avait déjà montré de façon
convaincante que la méthode analytique, imposée
à Freud par ses patients, allait fort heureusement à
lencontre de la doctrine analytique, davantage inspirée
du scientisme freudien. Il y dénonçait la fétichisation
de la discipline, qui conduit bon nombre danalystes à
user de la méthode à des fins psychothérapiques.
Il proposait avec audace et lucidité de prendre la méthode
freudienne à la lettre.
Puisque les enseignements qui ont trait à linconscient
ont pour destin de demeurer toujours inentendus, ce nouvel ouvrage
dans la ligne des précédents y insiste, sans relâche,
sans céder dun pouce, marquant sa place dans cette
collection : il faut prendre au mot la psychanalyse. Pierre Marie
sy emploie, se gardant bien de remettre en cause les psychothérapies,
aussi vieilles que le monde, mais montrant leur différence
radicale avec la psychanalyse.
Lever le non-dit sur ces différences, toujours suggérées,
jamais énoncées : si la démarche peut paraître
simple, elle est dune urgente nécessité.
En intercalant un chapitre sur le langage entre celui quil
consacre aux psychothérapies et celui dans lequel il présente
la méthode analytique, Pierre Marie donne à voir
quelque chose du clivage que produit justement en nous le langage.
Il y a bien lieu, selon léthique de la psychanalyse,
de suspendre la demande, ainsi que toute recherche illusoire
de sens - dans laquelle nous ne pouvons pourtant pas nous empêcher
de nous aliéner - pour entendre quelque chose du désir
inconscient. Si lexpérience analytique y parvient,
cest bien comme lauteur le propose dans une formule
très heureuse par une « ruse de la raison. »
Si la lecture semble plus facile que celle des deux précédents
essais, louvrage procède de la même rigueur.
Le lecteur est rarement ménagé, souvent bousculé.
Il est renvoyé, comme il se doit, à un impossible
: il sagit encore une fois de ne pas être dupe, sauf
bien-sûr de linconscient.
A lheure où lon voudrait sécuriser
la psychanalyse, la mettre au pas, il est nécessaire de
lever lambiguïté que recèle le terme
de psychothérapie, jamais à labri des visées
normatives.
Ainsi cet ouvrage, au style alerte, quon pourrait croire
écrit sous le coup de la colère, est au contraire
une mise au point tranquille, lucide, qui veut rompre avec toute
dérive moralisante concernant le débat qui agite
tant les esprits entre psychanalyse et psychothérapie
: ce sont avant tout des pratiques différentes. («
sans quil y ait lieu de blâmer lune au profit
de lautre »). Encore fallait-il en prendre note.
Dont acte.
Anne Bourgain
mai 2004