Madame, Monsieur,
Vous êtes sûrement au courant de l'amendement Accoyer
qui vise à règlementer d'une façon maladroite
le champ complexe des psychothérapies et de la psychanalyse
par ricochet. Des amis philosophes qui tiennent à la non
médicalisation de celle-ci ont écrit un texte argumenté
simplement, déjà signé ci-dessous par des
personnalités représentatives de la culture en
France. Ce texte, écrit par des "non-psy" peut-être
signé par tous, car, du fait du plan Cléry-Melin,
tout le monde est concerné, pas seulement les catégories
visées par l'amendement Accoyer.
Envoyons donc tous nos signatures à noscharlatans@yahoo.fr
et faisons circuler cette pétition partout. Les signatures,
tirées sur papier, seront ensuite envoyées aux
sénateurs.
(Si vous l'aviez déjà envoyée, merci de
la renvoyer à l'adresse ci-dessus)
Geneviève Morel
psychanalyste
Laissez-nous nos charlatans
!
Nous, qui sommes engagés dans
une psychothérapie ou une psychanalyse, l'avons été
ou pouvons l'être, demandons aux " autorités
sanitaires " de bien vouloir cesser de nous protéger
des charlatans. En effet, n'étant pas encore sous tutelle,
nous pensons être capables de choisir à nos propres
risques nos psychanalystes ou nos psychothérapeutes, et
ceux de nos enfants. Nous exigeons le retrait immédiat
de l' " amendement Accoyer ", qui prétend, au
prétexte de nous protéger de nous-mêmes et
de nos démons inconscients, imposer à nos psys,
qui sont parfois en exercice depuis plusieurs années,
une formation de psychiatre ou de psychologue. Nous nous opposons
à ce que le législateur réduise ainsi notre
souffrance psychique à une maladie, et assimile nos psychothérapies
à un traitement médico-psychologique plus ou moins
expéditif, sans par ailleurs se prononcer sur son remboursement.
Si aujourd'hui nous souhaitons voir un psychologue ou un psychiatre,
absolument rien ne nous en empêche. Mais si nous allons
chez un " psy ", ce n'est pas pour notre santé
mentale - qui n'est pas plus mauvaise que ça, merci -,
mais parce que nous voulons lui parler de nos soucis familiaux,
amoureux, professionnels, sociaux, ou parce que nous cherchons
quelque chose sur nous-mêmes aussi opaque soit-il. Nous
ne croyons pas que quelques séances chez un spécialiste
patenté de nos " symptômes " fassent l'affaire.
Chagrins d'amour, deuils, inhibitions professionnelles, artistiques,
sexuelles, pertes d'emplois (surtout en ce moment
), sentiments
de répétition : rien de tout cela ne relève
de " la maladie ", de l' " autorité sanitaire
", ou du contrôle de l'État. Nous pensons qu'il
vaut mieux que celui-ci renonce au projet de " cadrer "
notre " souffrance psychique ". Pour cela, nous préférons
aller voir librement nos psys.
Certains seraient, dit-on, des charlatans - personnes qui parlent
beaucoup, en espagnol. En fait, d'habitude, on les trouve plutôt
trop silencieux. Pas au point, cependant, de ne pouvoir nous
dire quelles études ils ont faites et quelle formation
spécialisée ils ont suivie, par exemple une psychanalyse
pour laquelle il n'existe aucun diplôme d'Etat possible.
Pour la plupart, ils nous donnent l'impression d'être en
formation perpétuelle : ils passent leurs soirées
à des séminaires cliniques et leurs week-ends dans
des colloques théoriques qu'ils organisent bénévolement
dans leurs associations, où ils semblent s'examiner et
s'évaluer sans cesse entre eux. Nous aimerions être
sûrs qu'ils sont bien analysés, mais on ne voit
pas comment un diplôme universitaire pourrait nous l'attester.
Cette loi, nous dit-on aussi, viserait à prévenir
les abus sexuels. Mais en quoi un titre de psychiatre ou de psychologue
nous éviterait-il de succomber au charme irrésistible
d'un " psy " diplômé qui voudrait coucher
avec nous ? En quoi ces diplômes, certes respectables à
d'autres fins, nous sauveront-ils des dangers de la séduction
? Et s'il s'agit purement et simplement de viols, n'existe-t-il
pas de nombreuses lois punissant les comportements ?
De même, Monsieur Accoyer écrit : " Depuis
février 2000, la mission interministérielle de
lutte contre les sectes signale que certaines techniques psychothérapiques
sont un outil au service de l'infiltration sectaire et elle recommande
régulièrement aux autorités sanitaires de
cadrer ces pratiques. Cette situation constitue un danger réel
pour la santé mentale des patients et relève de
la santé publique. " Là encore, nous ne comprenons
pas : si la puissante loi anti-secte n'a pas servi à endiguer,
depuis bientôt trois ans, l'infiltration de ce fléau,
qu'il fallait, disait-on alors, bien distinguer de la vraie religion,
une loi supplémentaire, portant maintenant sur la psychothérapie,
y réussira-t-elle mieux ? Nous en doutons : l'esprit de
secte a l'air solide, et les autorités devraient réfléchir
à ses causes. En revanche, nous constatons une tendance
de plus en plus prononcée à prendre prétexte
de notre " vulnérabilité " psychologique
pour mettre en question notre capacité à agir librement.
Nous ne voulons pas d'un État tutélaire qui prétend
prendre en charge le bien de nos âmes. Nous posons donc
la question : qui profite de notre souffrance psychique pour
mieux nous imposer ses intérêts ?
Premiers signataires :
Parveen Adams, Professeur à l'université
de Brunell (UK)
Ali Benmakhlouf, Professeur de philosophie
(UNSA, université de Nice Sophia Antipolis)
Jean et Mayotte Bollack, philologues,
professeurs émérites à l'Université
de Lille
Roland Castro, architecte
Marie Darrieussecq, écrivain
Guy-Félix Duportail, philosophe,
Paris I
Françoise Duroux, maître
de conférences à Paris VIII
Jacques Henric, écrivain
Marcela Iacub, juriste, CNRS
Christophe Khim, rédacteur en
chef d'Art-Press
Michel Korinman, professeur à
l'université de Marne-la-Vallée
Félix Kreissler, professeur émérite
des universités
Sadi Lakhdari, professeur à la
Sorbonne (Paris IV)
Eric Leroy du Cardonnoy, Maître
de Conférences, Département d'Allemand, Université
de Caen
Patrice Maniglier, philosophe, ENS
Régis Michel, Conservateur en
chef du musée du Louvre
Catherine Malabou, Maître de conférences
de philosophie à Paris X Nanterre
Catherine Millet, écrivain, directrice
d'Art-Press
Patrick Pépin, directeur de la
rédaction à France-Culture et France-Musiques
Jean-Michel Rabaté, Professeur
de littérature anglaise (University of Pennsylvania, USA)
Sara Thornton, Maître de Conférences,
UFR d'Etudes Anglophones, Université de Paris VII - Denis
Diderot.
Léon Vandermeersch, sinologue,
directeur d'études à l'Ecole Pratique des Hautes
Etudes ...
... noscharlatans@yahoo.fr
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